Цветы зла - Шарль Бодлер

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Et vient mourir au bord de votre éternité!

VII LA MUSE MALADE

Ma pauvre muse, hélas! Qu'as-tu donc ce matin?

Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes,

Et je vois tour à tour réfléchis sur ton teint

La folie et l'horreur, froides et taciturnes.

Le succube verdâtre et le rose lutin

T'ont-ils versé la peur et l'amour de leurs urnes?

Le cauchemar, d'un poing despotique et mutin,

T'a-t-il noyée au fond d'un fabuleux Minturnes?

Je voudrais qu'exhalant l'odeur de la santé

Ton sein de pensers forts fût toujours fréquenté,

Et que ton sang chrétien coulât à flots rythmiques

Comme les sons nombreux des syllabes antiques,

Où règnent tour à tour le père des chansons,

Phoebus, et le grand Pan, le seigneur des moissons.

VIII LA MUSE VÉNALE

Ô muse de mon cœur, amante des palais,

Auras-tu quand janvier lâchera ses Borées,

Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,

Un tison pour chauffer tes deux pieds violets?

Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées

Aux nocturnes rayons qui percent les volets?

Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,

Récolteras-tu l'or des voûtes azurées?

Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,

Comme un enfant de choeur, jouer de l'encensoir,

Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère,

Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas

Et ton rire trempé de pleurs qu'on ne voit pas,

Pour faire épanouir la rate du vulgaire.

IX LE MAUVAIS MOINE

Les cloîtres anciens sur leurs grandes murailles

Étalaient en tableaux la sainte vérité,

Dont l'effet, réchauffant les pieuses entrailles,

Tempérait la froideur de leur austérité.

En ces temps où du Christ florissaient les semailles,

Plus d'un illustre moine, aujourd'hui peu cité,

Prenant pour atelier le champ des funérailles,

Glorifiait la mort avec simplicité.

— Mon âme est un tombeau que, mauvais cénobite,

Depuis l'éternité je parcours et j'habite;

Rien n'embellit les murs de ce cloître odieux.

Ô moine fainéant! Quand saurai-je donc faire

Du spectacle vivant de ma triste misère

Le travail de mes mains et l'amour de mes yeux?

X L'ENNEMI

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,

Traversé çà et là par de brillants soleils;

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,

Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,

Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve

Trouveront dans ce sol lavé comme une grève

Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?

- Ô douleur! Ô douleur! Le temps mange la vie,

Et l'obscur ennemi qui nous ronge le cœur

Du sang que nous perdons croît et se fortifie!

XI LE GUIGNON

Pour soulever un poids si lourd,

Sisyphe, il faudrait ton courage!

Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage,

L'art est long et le temps est court.

Loin des sépultures célèbres,

Vers un cimetière isolé,

Mon cœur, comme un tambour voilé,

Va battant des marches funèbres.

— Maint joyau dort enseveli

Dans les ténèbres et l'oubli,

Bien loin des pioches et des sondes;

Mainte fleur épanche à regret

Son parfum doux comme un secret

Dans les solitudes profondes.

XII LA VIE ANTÉRIEURE

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques

Que les soleils marins teignaient de mille feux,

Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,

Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,

Mêlaient d'une façon solennelle et mystique

Les tout-puissants accords de leur riche musique

Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,

Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs

Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,

Et dont l'unique soin était d'approfondir

Le secret douloureux qui me faisait languir.

XIII BOHÉMIENS EN VOYAGE

La tribu prophétique aux prunelles ardentes

Hier s'est mise en route, emportant ses petits

Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits

Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes

Le long des chariots où les leurs sont blottis,

Promenant sur le ciel des yeux appesantis

Par le morne regret des chimères absentes.

Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,

Les regardant passer, redouble sa chanson;

Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

Fait couler le rocher et fleurir le désert

Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert

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